Exposer un avenir écologique funeste
En 1969, le musée américain d’histoire naturelle de New York célébra son centenaire avec une exposition multimédia uniquement constituée d’images photographiques et filmiques qui, plutôt que de mettre en avant l’exceptionnalisme de la nature du pays, documentaient sur un ton dénonciateur et alarmiste la pollution de l’eau et de l’air, la surpopulation et la dégradation globale des conditions de vie sur terre. Can Man Survive? fut à l’affiche du musée jusqu’en mai 1971 avec une scénographie inspirée par les expositions universelles et la télévision, se distinguant de l’iconographie de la défense de la nature jusque-là en vigueur. En reconstituant l’expérience de visite de cet objet expographique à partir de comptes rendus d’époque et de l’examen d’images du catalogue, puis en le comparant avec les stratégies de diffusion d’une organisation de protection des espaces sauvages et des ressources comme le Sierra Club, on peut comprendre la rupture iconographique et idéologique que représente cette exposition paradoxalement tombée dans l’oubli.
Bénédicte Ramade est chargée de cours à l’université de Montréal et l’université du Québec à Montréal. Historienne de l’art, critique d’art et commissaire d’exposition indépendante, elle est spécialisée dans les questions environnementales, autrice de Vers un art anthropocène. L’art écologique américain pour prototype (Presses du réel, 2022), actualisation de sa thèse de doctorat dans une perspective anthropocène. Elle a été commissaire et éditrice de The Edge of the Earth. Climate Change in Photography and Video à l’Image Centre de Toronto (2016) et a récemment collaboré à l’ouvrage Facing Black Star (RIC Book/MIT Press, 2023) avec un article sur les archives visuelles du changement climatique.
Mots clés : environnementalisme étasunien, exposition multimédia, photographie environnementale, musée américain d’Histoire naturelle de New York, nature, pollution
Référence : Bénédicte Ramade, « Can Man Survive? (1969)Exposer un avenir écologique funeste », Transbordeur. Photographie histoire société, no 8, 2024, pp. 100-111.