Kodak, l’autre nom de la décolonisation en Afrique de l’Ouest ?
L’usage de matériel défectueux et de fourniture périmée distribués par les firmes françaises en Afrique de l’Ouest dans les années 1960 a créé une esthétique propre, un art de la photographie qui échappe volontairement aux normes occidentales de la photographie jugée réussie, dont les images de Seydou Keïta sont révélatrices. Ce jeu sur les effets visuels de ce matériel photographique a marqué aussi une nouvelle génération attirée par la « photographie des choses politiques », attachée à rendre compte d’une évolution de la société et de la politique des pays comme le Sénégal et le Mali en pleine décolonisation. En abordant l’appareil photo défectueux à la fois comme une réalité historique et un objet théorique, cet article entend montrer que la photographie ne constitue ni une pratique ni une technologie proprement européenne et proposer une nouvelle façon de voir les relations entre capitalisme, marketing et décolonisation.
Jennifer Bajorek est actuellement professeure assistante en littérature comparée au Hampshire College (États-Unis) et chercheuse associée au sein du Research Centre in Visual Identities in Art and Design de l’université de Johannesburg (Afrique du Sud). Elle a publié dans Aperture Magazine, Autograph, Theory, Culture & Society, Third Text, Social Text, Africultures, Afriphoto, Fotota et le blog de la galerie du Jeu de paume. Son dernier livre, Unfixed, Photography and Decolonial Imagination in West Africa est à paraître chez Duke University Press.
Mots clés : Afrique de l’Ouest, Kodak, studios photographiques, décolonisation, technique, matériel défectueux
Référence : Jennifer Bajorek, « Appareils défectueux et images floues. Kodak, l’autre nom de la décolonisation en Afrique de l’Ouest ? », Transbordeur. Photographie histoire société, no 4, 2020, pp. 144-155.