Exposer les savoirs statistiques au tournant du XXe siècle
Depuis une vingtaine d’années, la visualisation graphique est devenue un outil central d’observation, d’analyse et de communication dans le domaine de la science des données. Loin d’un phénomène purement contemporain lié à l’essor des cultures et des humanités digitales, le développement des techniques de visualisation des données s’inscrit au coeur d’un vaste mouvement de reconfiguration des savoirs scientifiques et techniques, qui prit son essor dans les années 1870 déjà. Dans cet article, l’auteure explore l’influence de la pensée statistique dans la culture visuelle au tournant du XXe siècle, en s’intéressant notamment à l’importance du modèle photographique dans les discours savants qui encadrèrent l’application de la « méthode graphique » à la statistique, et revient sur l’un des principaux enjeux épistémologiques et techniques d’un tel projet : celui de « matérialiser des abstractions ». Elle montre ainsi combien la statistique, dans ses formes exposées, et les tentatives répétées d’en populariser les usages – par la dissémination de tableaux graphiques, de diagrammes muraux ou de reliefs statistiques – fut conçue dans une relation étroite aux autres arts de la reproductibilité, qu’il s’agisse de la photographie, de la typographie ou du graphisme.
Claire-Lise Debluë est chercheuse post-doc à l’université de Lausanne. Auteure d’un ouvrage issu de sa thèse sur l’histoire des expositions (Exposer pour exporter. Culture visuelle et expansion commerciale en Suisse (1908-1939), Alphil/Presses Universitaires Suisses, 2015), elle travaille actuellement sur l’histoire du graphisme et de la profession de graphiste et s’intéresse par ailleurs à l’histoire de la visualisation des données.
Mots clés : statistique graphique, image scientifique, popularisation des savoirs, visualisation des données, histoire matérielle
Référence : Claire-Lise Debluë, « De l’‹ image numérique › à la photographie. Exposer les savoirs statistiques au tournant du XXe siècle », Transbordeur. Photographie histoire société, no 2, 2018, pp. 54-65.